Les conditions de travail des personnels - la façon dont nous vivons nos métiers et l’impact de ces derniers sur notre santé - sont une des questions centrales des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). La loi prévoit même, dans son article 47 du décret 82-453, que les CHSCT sont systématiquement consultés lors de la mise en œuvre de changements notables de l’organisation du travail pour les personnels. Hélas, trop souvent notre administration, du ministère jusque dans les DSDEN, ne respecte pas la loi. Cette année, ni la réforme des CIO ni celle du lycée, pour ne citer qu’elles, n’ont fait l’objet d’une instruction ou d’une consultation dans les CHSCT de l’Education nationale.
Face à cette incurie institutionnelle généralisée qui empêche toute prévention primaire - celle-ci consistant à réfléchir en amont à l’impact possible des réformes et à les accompagner dans le souci et le respect des personnels et de leur santé - les CHSCT sont contraints à ne pouvoir que tirer la sonnette d’alarme au fur et à mesure qu’arrivent les dégâts causés par des réformes. Ces réformes tombant d’en haut se heurtent avec d’autant plus de violence aux contraintes réelles de l’organisation du travail sur le terrain que celles-ci sont ignorées par nos bureaucrates. Et il est tout à fait normal qu’il les ignore tout comme nous ignorons les contraintes qui sont les leurs. Et c’est pourquoi il est sain que ces contraintes multiples puissent être exposées et débattues dans des instances dans lesquelles les personnels ont largement la parole afin que chacun éclaire à son niveau d’expérience et d’expertise les réalités multiples qui devront découler d’un changement dans l’organisation du travail. Et c’est donc un scandale que notre institution contrevienne à la loi dans ce domaine.
En ce qui concerne la réforme du lycée, les représentants FSU au CHSCT ministériel ont pu patiemment montrer que les éléments de la mise en place de la réforme transmis au compte-goutte - et pour tout dire dans un désordre et une précipitation inédites - étaient potentiellement générateurs de risques psycho-sociaux (RPS). Ils se sont, pour cela, appuyés sur des travaux en sciences sociales qui décrivent les différents domaines des RPS et ont pu pointer que le ministère réussissait, avec sa réforme, le tour de force consistant à valider l’ensemble de ces domaines (voir doc en ligne). Les membres du CHSCT ministériel ont donc voté un avis demandant l’abandon de la réforme en cours.
Le CHSCT de la Marne n’a pas non plus été consulté en amont de la mise en place de cette réforme. Au niveau départemental, le CHSCT appuie en partie son travail sur l’analyse des registres santé et sécurité au travail (SST) dans lesquels chaque personnel le jugeant utile décrit ses conditions de travail et l’impact de celles-ci sur sa santé physique et psychique. Les signalements des personnels impactés par la mise en place de la réforme du lycée sont alarmants et valident entièrement l’analyse produite en CHSCT ministériel. Ici, un enseignant décrit les angoisses et les idées noires qui le traversent. Là, cet autre parle crûment de ses nausées, ses nuits blanches et de ses importantes pertes ou prises de poids. Celui-ci met en avant la perte de sens de son métier et de sa mission face à une réforme destructrice. Celui-là se sent délégitimé à force de ne pas pouvoir répondre aux questions inquiètes de ses élèves et de leur famille.
En lisant tout cela, on ne peut que penser avec angoisse aux récits des salariés de France Telecom lorsqu’ils furent, en 2008, soumis à des directives autoritaires et désordonnées. Et c’est à partir de ce constant que le CHSCT de la Marne, à l’initaitive des représentants de la FSU, a également voté un avis demandant l’abandon de la réforme en cours.