Dès le début de la crise, le ministre de l’Education Nationale est tombé dans ses travers habituels, privilégiant la forme sur le fond, et la com’ sur l’action.
« Nous sommes prêts ». « La continuité pédagogique sera assurée ». « Aucun enfant ne sera laissé au bord du chemin ».
Dans les faits, répétons-le encore, aucun moyen spécifique n’a été fourni et aucune consigne claire donnée. Les outils « ordinaires » comme l’ENT se sont révélés inadaptés et l’absence de formation préalable a posé problème.
A chaque échelon, il a fallu interpréter les slogans et parer au plus pressé.
Deux semaines plus tard, nous ne sommes pas beaucoup mieux lotis. Et la situation se dégrade par certains aspects.
Si la communication du ministre signifie que les établissements, les enseignants, les PSY-EN et les CPE s’efforceront au mieux de leurs capacités et de leurs moyens, et quelquefois même au-delà, de garder un contact avec leurs élèves, c’est déjà effectif.
Mais le ministre entendait-il imposer une obligation de résultat ?
En tout cas les engagements pris à la légère, vagues et non définis provoquent une surenchère d’injonctions dans certains établissements. Injonctions qui vont dans le sens de s’assurer de l’effectivité du travail de tous les élèves, de la remédiation de leurs difficultés et de la réussite des acquisitions, d’en rendre compte sous forme de bilans et de tableaux.
Les réactions des collègues : inquiétude, angoisse, découragement, colère, culpabilisation, etc…
Disons-le tout net, les objectifs que dessinent ces pratiques sont irréalistes. Elles nient même le réel de la situation et du travail effectué tout en le compliquant. Leur imposition par mails impératifs et impérieux crée des tensions, de conflits, de la culpabilité et ne vont pas dans le sens de l’unité tant promue.
Nous sommes en train de refaire tous nos cours et de découvrir de nouveaux outils. D’en apprendre en grande partie seul le fonctionnement. Nous avons, selon les disciplines, entre 120 et 500 élèves. Les professeurs principaux sont aussi enseignants de leur discipline… Nous vivons des conditions de confinement seuls ou avec nos familles plus ou moins difficiles.
Des élèves ne répondent pas, des élèves ne rendent pas le travail, des élèves ne comprennent pas le travail, des élèves n’utilisent pas les outils numériques… Des élèves et des familles nous sollicitent beaucoup, d’autres pas.
Nous ne pourrons pas résoudre ces situations avec des tableaux à remplir. Nous ne pourrons pas les aider à travailler avec ces tableaux.
Pour nous, ne laisser aucun élève au bord du chemin, signifie que nous sommes résolus à maintenir le contact avec nos élèves. Mais sans pouvoir dépasser les limites de l’humain.
Ces limites sont atteintes quand la charge de travail s’accroit, surtout avec du travail inutile. Limites atteintes aussi quand on ne peut pas tirer satisfaction de son travail, ce qui est plus fréquent quand on vous demande de rendre compte de résultats inatteignables.
Tous les ans plus de 100 000 élèves quittent le système éducatif sans qualification. Le système éducatif échoue à résoudre cette carence depuis des années. Il ne le résoudra pas dans la situation actuelle sur les seules forces physiques et mentales des enseignants confinés à leur domicile !
Nous avons besoin d’une analyse claire de la situation, d’un cap clair et réaliste et de moyens adaptés. Pas de slogan d’homme politique !
Et tous les chefs d’établissement comme les directeurs académiques des services départementaux doivent avoir le souci réel de la santé de leurs personnels.
Agents du service public ? Oui ! A notre poste et fiers de l’être !
Agents de la communication d’un homme politique ? Non !
Agents au service de la carrière de chefs ambitieux ? Non !