SNES –FSU
Manifeste pour un collège
de la réussite pour tous
Bien qu’accueillant la presque totalité des élèves, le collège que nous connaissons n’est pas un collège démocratique. Chargé en théorie de poursuivre l’effort de culture commune pour l’ensemble des générations, il peine à accomplir cette mission : les écarts constatés à l’école primaire se maintiennent, parfois s’amplifient, et confortent le tri social auquel participe aussi le collège. Fragilisé plus que d’autres niveaux par la constitution de ghettos sociaux et de poches de pauvreté, le collège est trop dépendant du milieu local, il est parfois fragilisé par l’indiscipline et la violence, et laisse au bord du chemin des milliers de jeunes qui sortent du système après la Troisième sans véritable formation. Les difficultés sont telles que l’idéal du collège pour tous est remis en question par de nombreux observateurs. Nous réaffirmons pourtant qu’aucun progrès ne pourra se réaliser si l’on ne parvient pas à résorber l’échec scolaire à l’école primaire et au collège et d’abord l’accès à la langue française écrite et orale, sésame de tout accès à la culture. Depuis des années, les réformes ont fui cette exigence, sous-estimé les moyens à investir pour répondre aux difficultés les plus graves et préconisé de façon dogmatique des méthodes sans validité démontrée pour construire patiemment les savoirs. Parce que les réformes privilégient de fait les stratégies d’apprentissage des élèves les plus à l’aise et les plus autonomes, elles ignorent celles des enfants les plus éloignés des pratiques scolaires et visent des compétences de plus en plus élevées sans réfléchir aux moyens de les atteindre réellement par le travail et l’entraînement scolaire. Il en va ainsi des travaux sur projets, reposant sur des recherches autonomes et sur des capacités interdisciplinaires : pour intéressants qu’ils soient, ils ne peuvent prétendre résoudre les difficultés rencontrées par de nombreux élèves dans les apprentissages disciplinaires de base dont les dernières réformes ont fortement réduit le temps par la pratique des horaires au plancher. Ces travaux ne reçoivent même pas les moyens qui les rendraient possibles par l’octroi de ressources nouvelles, par des possibilités de travail en groupes et par un temps de concertation suffisant des équipes. Trop souvent centrées sur des activités périphériques à l’acte d’enseignement, les réformes successives ont ignoré l’essentiel du travail scolaire, les enjeux disciplinaires des apprentis-sages, de l’activité dans la classe. Pire, par des réductions d’horaires, des dotations trop étriquées, des classes trop chargées et rarement dédoublées, les réformes rendent de plus en plus problématiques les apprentissages de base et compliquent le travail des enseignants. Obligeant les enseignants et les établissements à des arbitrages douloureux qui divisent les équipes plus qu’ils ne les soudent, les réformes contribuent à des organisations ségrégatives et défavorisent ceux qui auraient le plus besoin de l’école. Dans ce contexte, les itinéraires de découverte du cycle central, suivis par les enseignements choisis en classe de Troisième peuvent être le nouvel habillage d’un collège qui renoncerait à dispenser une vraie culture commune. Nous réaffirmons l’importance d’une lutte déterminée, précoce et continue contre l’illettrisme et la difficulté scolaire, capable de prévenir l’échec, de déjouer les déterminismes sociaux et d’apporter des aides aux familles qui en ont besoin, et cela dès les premières années de la scolarité. Ils demandent :
– 1.qu’on restitue à l’apprentissage patient et construit des savoirs disciplinaires le temps et les moyens horaires de le réaliser efficace-ment pour tous les jeunes, avec des séances en groupes allégés et des classes moins chargées, et qu’on y affecte dans l’immédiat les moyens consacrés à la généralisation des itinéraires de découverte et l’heure non affectée dont devrait disposer chaque classe de Cinquième et de Quatrième ;
– 2. qu’on accorde à l’apprentissage de la langue des moyens suffisants dès la Sixième en portant à 4 heures + (1 heure dédoublée) les horaires de français et en constituant toutes les aides individualisées nécessaires pour les plus faibles lecteurs ;
– 3. qu’on laisse toute liberté aux équipes d’engager des projets interdisciplinaires sans pour autant affaiblir les apprentissages disciplinaires ;
– 4. qu’on accorde une trentaine d’heures de dotation par classe en moyenne pour permettre des groupes de travaux pratiques dans les disciplines expérimentales et en technologie et amorcer des groupes à effectifs allégés en langues vivantes ;
– 5. qu’on dégage des moyens importants pour construire des équipes pluriprofessionnelles de suivi des élèves en difficulté associant aux enseignants le CPE, le CO-Psy, les personnels médicaux et sociaux et qu’on crée les structures d’accueil et les compétences nécessaires pour les élèves primo-arrivants non francophones ;
– 6. qu’on puisse étudier au cas par cas sur proposition des équipes pluriprofessionnelles des solutions pédagogiques diverses pouvant inclure une collaboration avec les LP, ou d’autres structures du service public pour les élèves en grande difficulté très démobilisés ou en rupture avec l’enseignement du collège ;
– 7. qu’on engage une politique d’intégration des heures de concertation dans le service des enseignants et documentalistes en commençant par les enseignants des ZEP et REP particulièrement mis à contribution au plan éducatif, et pour tous les enseignants qui s’engageraient dans des projets interdisciplinaires ;
– 8. qu’on engage une réflexion approfondie pour réviser certains contenus, les rendre plus formateurs, plus cohérents entre eux, plus aptes à intéresser les jeunes et à les ouvrir aux problèmes de notre époque. Ces premières mesures assureraient un redressement de la situation et permettraient d’envisager ensuite plus sereine-ment une réorganisation du collège et de ses enseignements permettant à tous les élèves, dans leur diversité, de réussir au col-lège, de développer leurs potentialités. Nous demandons au ministre de l’Éducation nationale de prendre la mesure des difficultés et des leçons de l’expérience qui montrent tous les jours qu’on ne saurait esquiver la nécessité de faire apprendre dans des conditions appropriées à un enseignement de masse et en offrant aux personnels la possibilité de faire valoir leur expérience pour évoluer et innover au service des jeunes.
SNES Champagne Ardenne