Dérives des « sciences du management ».

Le monde du travail connaît des bouleversement plus ou moins rapides et plus ou moins brutaux. Sociologues, psychologues du travail, ergonomes constatent une diffusion du mal-être au travail qui se manifeste de diverses manières (stress, troubles du sommeil, épuisement, TMS, burn out, tentatives de suicide...). Quelquefois ces constats émanent même d’études faites à la demande de directions qui constataient un dysfonctionnement et un délitement de leur entreprise ou de leur service.

Le point de départ de ces problèmes de santé est en général la difficulté, voire l’impossibilité, pour les travailleurs de se reconnaître dans leur travail ou d’en tirer une satisfaction Les causes sont multiples. Elles sont souvent liées à la nocivité de certaines organisations du travail, certaines techniques de management... Cependant, celles-ci continuent de progresser dans la fonction publique, en dépit de leurs méfaits dans certaines entreprises ou dans d’autres administration (police, hôpital...).

Les quelques entretiens et articles suivants peuvent vous permettre d’y voir plus clair.

Présentation des travaux de Vincent Gaulejac, sociologue clinicien, professeur de sociologie UFR de Sciences sociales, Université Paris-Diderot.

Entretien video(17 minutes 05) réalisé par la principale centrale syndicale canadienne. Vincent de Gaulejac commence par replacer ce qu’il appelle la « révolution du management » dans un cadre général, avant de parler des effets sur la santé des salariés (4’50) et d’expliquer comment elle s’est introduite dans les services publics (6’35)

Entretien vidéo « Le management peut-il rendre fou ? » (12 minutes 05) réalisé par un cabinet de gestion de conflits. Si nous ne connaissons ni ce cabinet ni son travail, dans cette vidéo Vincent de Gaulejac présente très clairement plusieurs des ses principales analyses. Il expose d’abord les effets de l’écart entre les prescriptions et le travail réel, du management par objectifs de l’organisation par projets. Il présente son analyse de la « révolution managériale », de l’accélération des exigences du management par le développement des outils numériques...

Présentation des travaux de Yves Clot, professeur du CNAM, chaire de psychologie du travail.

Court entretien vidéo réalisépar nos camarades du Snuipp-FSU : « rendre le travail supportable ». Il expose les effets pathogènes d’une définition unilatérale et indiscutable des critères de la qualité du travail. Il défend la nécessité pour les travailleurs de faire ce qui leur tient à cœur dans leur travail.

Entretien réalisé par la Haute Autorité de la Santé : « Quel lien faites vous entre qualité de vie au travail et qualité du travail ? ». Il expose la nécessité pour un travailleur de se reconnaitre dans ce qu’il fait, de se sentir efficace (ce qu’il lie à la créativité et à la liberté) et les dangers de ne pas pouvoir faire « du bon boulot ». Il conclut donc au besoin pour les travailleurs de pouvoir défendre leurs critères de qualité du travail devant les prescripteurs.

Entretien réalisé par la Haute Autorité de la Santé : « Pourquoi parle-t-on des problèmes de santé physique et psychologique liés au travail ? » Yves Clot part de la difficulté d’un nombre croissant de salarié à ne pas se reconnaître dans ce qu’ils font.

Présentation des travaux d’Yves Dutercq, professeur à l’Université de Nantes et sociologue de l’éducation au Centre de recherche sur l’éducation de Nantes.

Yves dutercq travaille en particulier aux politiques d’accountability (pilotage par les résultats) dans le cadre du management et leur introduction dans le système éducatif Français.

Entretien sur le café pédagogique

Article sur le site de l’institut de recherche de la FSU

Présentation des travaux de Danièle Linhart, sociologue du travail, directrice de recherches émérite au CNRS.

Court entretien vidéo réalisé par Médiapart : « Taylorisme et management moderne, même combat ». D. Linhart évoque la tentative de déposséder les travailleurs des moyens et de la possibilité d’avoir « prise » sur leur travail tout en cherchant à enrôler une part toujours plus grande de leur subjectivité.

Entretien réalisé par le site « La vie des idées » : « L’entreprise de dépossession ». D. Linhart évoque la place centrale du travail dans la vie sociale et décrit une dérive narcissique et individualiste dans l’obsession de la réalisation de soi à travers le travail. « Avant, [le travail] était un lieu de socialisation, d’expérience collective, les collectifs jouaient un rôle très important dans la régulation de la souffrance. Maintenant, c’est devenu un face à face un peu narcissique entre le travail et soi. C’est là qu’on doit se valoriser, faire ses preuves, se développer... Si on ne peut pas le faire, il y a une amputation extrêmement forte sur le plan psychique, narcissique, et donc une souffrance encore plus forte. […] Il n’y a pas simplement une mise en scène mais une mise en jeu réelle de soi dans le travail. Et il y a une grande vulnérabilité car le soi n’est pas défendu par la professionnalité. Or c’est la professionnalité qui crée justement un rempart entre le soi intime et le salarié au travail. […] À l’époque des « Trente Glorieuses », il y avait de la souffrance, des pénibilités mais elles étaient relayées par une idéologie de la lutte des classes, une critique morale de l’organisation du travail... Maintenant, la personne est seule et pense qu’elle doit faire ses preuves. Elle a tendance à intérioriser les difficultés comme un échec personnel. »