12 octobre 2019

Actualités / Action

Déclaration de la FSU au CTA du 11 octobre 2019

Les représentants de la FSU,élus par les personnels lors des dernières élections professionnelles, ont abordé les points suivants dans cette déclaration à la rectrice :
 les relations avec la hiérarchie
 les attaques contre la démocratie sociale et la démocratie au travail
 les conditions de travail dans les écoles, collèges et lycées (question des effectifs, inclusion ...)
 les difficultés liées au numérique dans les lycées
 la situation des AESH
 la situation des CIO
...

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CTA du 11 octobre 2019. Déclaration FSU.

Madame la Rectrice,

Nous souhaitons commencer ce CTA par une très belle métaphore du collège utilisée dans un entretien avec un stagiaire par une principale de l’académie de toute évidence inquiète pour lui : « Le collège c’est un bateau, les élèves sont les touristes, et dans ce bateau il y a des rameurs, et les rameurs sont les professeurs et moi, en tant que capitaine, afin que nous puissions amener les sixièmes jusqu’en seconde, je dois faire en sorte que tout le monde rame dans le même sens, si l’un rame à gauche et l’autre rame à droite, le bateau part à la dérive et moi je suis là pour prévenir la dérive » . C’est beau n’est-ce pas ? Mais un bateau comme ça ne porte-t-il pas le nom de galère, et les rameurs des galériens, dont on notera au passage qu’ils étaient des esclaves ? Et le capitaine qui fait avancer son navire au son du tambour doit être un piètre navigateur, car chacun sait que pour bien mener sa barque, il faut ramer à droite et à gauche sinon le bateau tourne en rond. Une belle métaphore, de l’enseignement et des conditions de travail dans nos établissements. Risible nous direz-vous, humour diront d’autres comme c’est la mode en ce moment, sauf que dans l’entretien avec le même stagiaire qui prétendait refuser, comme il est en droit de le faire, de prendre en charge le système devoir fait, la même principale ajoute « vous n’avez pas le droit de me dire non », et « vous avez de la chance que je suis sympathique, sinon j’aurais fait un signalement et je peux toujours en faire un ». En effet, notre jeune stagiaire a beaucoup de chance, et les collègues de cet établissement aussi. Heureusement, même les jeunes ne se laissent pas faire et n’acceptent pas l’inacceptable. Les syndicats de la FSU sont à leur côté pour le rappeler et les soutenir. Nous poursuivrons par un lycée rémois, où le proviseur semble lui aussi se trouver une âme de capitaine au long cours ayant droit de tout, y compris d’interdire d’exprimer des opinions, ou d’agir en citoyens libres de suivre ou non des actions syndicales en refusant d’accorder des khôles à trois collègues, ce en raison des motifs qui les ont amenés à participer à ces actions syndicales nationales et académiques contre la réforme des lycées. Suite à notre intervention ferme, ce proviseur est néanmoins revenu à des pratiques plus dignes d’un représentant de l’État démocratique qu’est encore la République Française. Et décidément non, le défenseur des droits avec l’OIT ne se trompe pas dans le 12e baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi, édition consacrée aux discriminations syndicales de septembre dernier qui dénonce des actions et des attitudes antisyndicales, mais donnerait-il raison à l’un des formateurs de L’INSPÉ qui textuellement, en cours, dit aux futurs enseignants que se syndiquer n’est pas bien et nuira à leur carrière ? On en est encore là le 11 octobre 2019 : « Obéis et tais-toi ». Ce n’est pas la première fois que nous dénonçons ce genre de pratiques, heureusement peu fréquentes, mais néanmoins inadmissibles. Finalement, la métaphore n’est pas si belle que cela.

Car, Oui, les personnels sont dans la galère. Oui, sans rime ni raison, on leur demande de ramer toujours plus, toujours plus vite. Et souvent on ne leur fournit même pas les rames pour le faire.
Oui on continue de dénigrer l’image des enseignants en avançant qu’ils doivent travailler plus pour améliorer leur future retraite puisque quand même ils ne font pas grand-chose comme chacun sait.
Derrière des idées présentées comme louables comme l’école inclusive ou la scolarisation à trois ans, se cachent l’absence de personnels formés, l’absence d’aide spécialisée, la disparition des structures adaptées et la multiplication des enquêtes, dossiers à rendre dans l’urgence. Ce seront les protocoles d’accueil en maternelle qu’il faut compléter et faire valider : en plus ! Les entretiens familles pour l’accueil des élèves bénéficiant d’un PPS qu’il faut tenir avant le 30 septembre et rendre des comptes le 2 octobre : en plus !
Et on ajoutera l’exercice intrusion qu’il faut faire maintenant tout de suite parce que justement on n’a que ça à faire et surtout compléter l’enquête en ligne qui ne sert à rien sur le terrain mais permet au ministère de faire des comptes. Des comptes de quoi, on se le demande !
Et on n’oubliera pas des évaluations obligatoires qui prennent un temps infini de passation et de saisie alors qu’elles sont jugées inadaptées et inutiles par plus de la moitié des enseignants. Mais au nom de quoi franchement, les enseignants auraient-ils quelque chose à redire sur l’évaluation des élèves ?
Et puisque décidément il ne faut pas s’endormir, on inventera la distribution des petits déjeuners à l’école parce qu’il n’y a pas de raison que les directeurs soient gênés de faire réception des livraisons ou les enseignants gênés de faire cantine dans leur classe pendant le temps d’enseignement.
Mais les directeurs ont de la chance : le 3 octobre, le ministre s’est adressé à eux. Il va s’occuper de leurs difficultés qu’il connaît et comprend. Et il profite de l’instant d’hommage à une collègue tuée par le travail, pour ressortir SA solution, celle qu’il mûrit depuis longtemps : le statut. Qu’importe si cette idée a été largement rejetée il y a moins de six mois ? Qu’importe si ses décisions et ses méthodes engendrent la souffrance ressentie ?
Oui les personnels sont dans la galère. Et rien ne leur indique que le capitaine communiquant s’en préoccupe.

Hors de l’éducation prioritaire, les effectifs sont pléthoriques en collège, et ce depuis plusieurs années. Et cette année, même en REP, les effectifs sont extrêmement chargés (jusqu’à 27 élèves dans certaines classes), et ce notamment à cause des effectifs d’ULIS qui ne sont pas comptabilisés dans les statistiques ministérielles, mais qui sont pourtant bien présents dans les salles de classe, nécessitant des chaises, des tables et une attention particulière.
Les équipes témoignent d’un épuisement considérable, lié à ces conditions de travail, d’autant qu’il faut y ajouter la mise en place de dispositifs d’accompagnement multiples. En effet, entre les contraintes administratives, les réunions diverses, la multiplication des rencontres avec les parents, l’accompagnement des élèves en difficulté, la charge de travail est de plus en plus lourde.
S’ajoutent à ce phénomène diverses contraintes pédagogistes liées aux « parcours » et autres « concours d’éloquence » ou « quart d’heure lecture », qui, comme les EPI devenus essentiellement une perte de temps administrative, ne laissent qu’une portion congrue au cœur du métier : enseigner.
Pour couronner le tout, le nouvel ENT (...jusqu’au prochain...) et sa généralisation trop rapide aux yeux de beaucoup de collègues, ajoute une perte de temps et de repères aux nombreuses contraintes du métier.
Le sentiment qui domine dans ces conditions de rentrée est celui, d’une insatisfaction professionnelle, d’un bricolage perpétuel, réalisé en dépit du bon sens et de la santé des enseignants, sans compter, si tant est que cela ait la moindre importance, la galère dans laquelle se trouvent de fait nos élèves.

La rentrée s’est également faite avec la mise en place de la réforme du bac et du lycée sur les niveaux de 2de et de 1re. Les inquiétudes exprimées par les enseignants au fil de l’année dernière n’étaient malheureusement pas vaines, force est de le constater.
Les emplois du temps ont demandé, semble-t-il, un lourd travail aux chefs d’établissements, et sont aussi insatisfaisants pour les professeurs que pour leurs élèves. Les journées à rallonges sont à la fois chargées et « en gruyère ». Des élèves doivent se déplacer rapidement d’un lycée à l’autre (entre Jean Jaurès et Clemenceau pendant la récréation, et en courant), les spécialités ont dû être mises en barrettes… Autant de contraintes qui pèsent sur tous, mais aussi sur des horaires obligatoires non respectés ou des dispositifs dénaturés tel que les enseignements de DNL au mépris de l’arrêté ministériel les organisant. La semaine est fatigante, l’année sera épuisante. Après un été passé à refaire plusieurs programmes, la tension et le stress sont prégnants chez les collègues de lycée, et ce dès et depuis le tout début de l’année.
La découverte effective des conditions de travail et des conditions d’enseignement de nos élèves n’est pas faite pour rassurer qui que ce soit. Les effectifs sont lourds (autour de 35 élèves en 2de, proches de 35 ou 36 en 1re générale pour le tronc commun, 30 à 35 en 1re technologique, idem en terminale générale) mais avec des pics à 36/37, voire 40 dans des spécialités. Les conséquences s’en ressentent dans la charge de travail des personnels et dans la fatigue des élèves. En 1re générale, l’éclatement du groupe-classe est assez mal vécu par les élèves qui perdent leurs repères ; les professeurs sont nombreux à intervenir dans une même « classe », le plus souvent plus d’une trentaine. Les conseils de classe en seront perturbés.
Les épreuves en cours d’année doivent être passées dans trois mois, mais les banques de sujets ne sont pas abouties quand elles ne sont pas vides. Les professeurs ne savent pas encore comment faire passer ces examens, par des épreuves communes ou pas ? Avec un sujet ou plusieurs ? Sur un temps banalisé ou pas ? Les professeurs devront-ils avoir le don d’ubiquité et faire cours en même temps qu’ils corrigeraient des copies numériques sans matériel fourni, ni de poste de travail appropriés dans les établissements avant de rendre les copies (mais sous quelles formes ?) à leurs élèves ? Ces appréhensions ne sont pas faites pour calmer l’anxiété que tous les collègues interrogés nous ont dit ressentir. Les semaines ont bien 168 heures samedi et dimanche compris, le ministère estime que nous en faisons déjà 42 pour notre travail, jusqu’où veut-il aller ? Jusqu’à l’esclavage comme les galériens ?

L’application de la circulaire du 5 juillet 2019, voulue comme un progrès au niveau national, au niveau académique laisse craindre le pire pour les AESH. Si des contrats de 3 ans amorcent un recul de la précarisation de ces personnels, la décision unilatérale de réduire leur horaire annuel, se traduit dans les faits par une baisse de rémunération d’une trentaine d’euros, soit 5 % des 648 euros qu’ils touchaient l’année dernière, ce n’est pas rien. À ce jour, les AESH n’ont reçu aucune information claire de leur employeur concernant leur temps de travail, l’utilisation des cinq semaines supplémentaires, l’organisation de leur droit à formation. Ce n’est pas acceptable ! Quelles conditions de mobilité dans les PIAL dont certains sont forts étendus comme celui de Verzy et Rilly-la-Montagne ? La possibilité de faire des avenants qui s’imposent aux AESH, sous peine de rupture de contrat, sera-t-elle utilisée comme moyen de pression ? Combien de supérieurs hiérarchiques pour les AESH dans les PIAL ? Des mutualisations en classe qui imposeront à un AESH de s’occuper de 2, 3, 4 voire 5 élèves en situation de handicap vont-elles se généraliser ? En résumé : fiche de paie amputée, mobilité forcée à l’horizon, intensification du travail rampante… la « stabilisation » relative est chèrement payée.

En ce jour du 11 octobre 2019, dans certains lycées de l’académie, c’est encore environ 1/3 des élèves qui sont sans ressources numériques, faute d’adresse IP en nombre suffisant, ne permettant pas l’accès au Wifi pour tous, ce sont encore de très nombreuses difficultés, voire impossibilités de télécharger des manuels, et ceci malgré les efforts déployés par les personnels qu’ils soient de direction, professeurs ou techniciens informatiques. Lors des permanences organisées dans un lycée de Reims, les élèves qui ont les plus grandes difficultés avec leur machine se sont entendus répondre, qu’on n’y peut rien, on ne sait pas comment faire. Bref, le constat est qu’on sait faire fonctionner les ordinateurs qui marchent, pour les autres débrouillez-vous, et si le wifi ne fonctionne pas, prenez donc votre connexion personnelle. Ce sont donc bien les élèves et leurs professeurs qui sont privés d’un outil indispensable qu’est le manuel. Alors, partout, on bricole, on improvise, on photocopie, on invente, et surtout on perd beaucoup de temps. Parfois, c’est jusqu’à 1/4 d’heure du cours qu’il faut passer à aider les élèves à se connecter, à trouver leur manuel, à trouver le document dans le manuel. Et de surcroît, hop ça se déconnecte. Et on recommence, ou on se décourage. Ce n’est pas en soi le manuel numérique qui est mis en cause, mais les impossibilités techniques à faire fonctionner 36 ordinateurs avec 36 connexions en même temps et rapidement, en continu. Non, dans ces conditions, le manuel numérique n’est pas un progrès, c’est un frein dû à l’impréparation, la sous-évaluation des problèmes techniques. Et nous le redisons encore une fois ici, les professeurs ne sont pas équipés pour travailler sous ce format numérique, d’autant plus qu’ils doivent répondre à l’obligation de correction des copies numérisées. Quel matériel est prévu ? Quelle ergonomie du poste de travail ? Quelles responsabilités en matière de sécurité des données ? Certains ont fait le choix d’utiliser leur argent pour pouvoir acheter du matériel devenu indispensable pour travailler, mais comme la FSU ils exigent de leur employeur de pourvoir au matériel, comme c’est d’ailleurs le cas pour tous les emplois administratifs. Autour de cette table, les seuls à devoir payer l’ordinateur qu’ils utilisent sont les enseignants.
Concernant le numérique de façon générale, le SNES-FSU est encore intervenu dès la rentrée pour demander une modification des références de ladite « Charte des personnels de l’académie » qui cette année s’est doublée de deux textes : d’une part « les règles définissant l’usage du système d’information de l’académie de Reims mis à disposition des personnels » et d’autre part « le guide juridique de l’utilisateur des systèmes d’information de l’académie de Reims ». En effet, la lecture attentive de ces deux textes, et malgré nos demandes insistantes et répétées, ne fait toujours pas mention de la question de l’exception pédagogique concernant les droits d’auteurs, alors que sans doute plus de 80 % des personnels qui signent cette « charte » et utilisent le numérique sont des enseignants. Il semble, après contact avec les services, qu’enfin la nécessité de ces mentions au moins dans le guide juridique puisse être prise en compte et ajoutée, mais si tel est le cas, il faudra envoyer un message à tous les personnels de l’académie pour signaler ce changement important ce qui permettra aux derniers irréductibles de pouvoir enfin accéder aux outils de l’ENT, en particulier le cahier de texte, que certains chefs d’établissement, ou personnels chargés de la mise en œuvre du numérique refusent obstinément de mettre à disposition, empêchant ainsi les enseignants concernés de remplir leur obligation de service. Enfin, et ce n’est pas anecdotique, la mention finale est « j’ai lu et j’accepte les conditions ci-dessus ». Qu’on les ait lues, oui, mais peut-on refuser la loi ? Par ailleurs, la question du code unique d’accès à l’ENT de la Région qui doit être identique à celui d’Arena n’est pas réglé pour les enseignants qui doivent toujours saisir ce code devant leurs élèves ou toute autre personne, ce qui, nous le rappelons, ne garantit pas l’inviolabilité des informations personnelles selon le RGPD. Il va bien falloir trouver une solution.

Pour finir, les CIO constituent un maillage précieux et irremplaçable en tant que service pu-blic de proximité de l’Education nationale pour répondre aux défis posés par la prise en charge
« ordinaire » des questions et des fragilités liées aux parcours scolaires et d’insertion des enfants, des adolescent.e.s, des jeunes adultes et les familles. Ils constituent des lieux d’accueil neutres, des lieux tiers, où l’accompagnement réalisé par des Psychologues spécialistes des questions d’éducation, de développement et de conseil en orientation s’adapte aux demandes et aux situations individuelles, dans le respect des lois et règlements en vigueur ainsi que du code de déontologie des psychologues. Les CIO constituent un lieu d’accompagnement de l’aide à l’orientation pour tous les publics plus ou moins éloignés de l’Ecole, quelle que soit leur situation vis-à-vis des établisse-ments scolaires, ainsi qu’un lieu d’accompagnement de l’aide à l’adaptation et la réussite scolaire et de l’aide à la résolution de problèmes émotionnels entravant les parcours de formation et d’insertion. La FSU s’oppose fermement à la fermeture de ses structures.