A plusieurs niveaux, ces dernières semaines, les enseignants sont enjoints, plus ou moins fermement, à contacter les familles par téléphone.
Les enseignants n’ont pas rechigné, depuis plus de 20 ans, à s’équiper informatiquement à leur frais pour leur travail, et à utiliser ce matériel dans le cadre du travail à distance en temps de confinement. L’employeur, dans notre cas, ne fournit RIEN et ne participe aux frais en aucune manière.
Il évite même de mentionner que le service public fonctionne souvent, de plus en plus, et encore plus en temps de confinement, grâce à l’équipement privé des enseignants.
Le contact téléphonique pose évidemment les mêmes problèmes. Et il les étend. Les enseignants sont en droit de se demander jusqu’où on leur demandera d’aller ?
En effet s’ajoute le problème de la confidentialité des numéros de téléphone. Bien sûr, il existe des manipulations qui permettent de masquer son numéro. Ce ne peut être une réponse. Déjà, il faut être au fait de cette manipulation. Mais lorsqu’on masque et démasque son numéro, il arrive toujours que l’on oublie dans un sens ou dans l’autre. Donc, le numéro, personnel peut être divulgué par inadvertance.
Par ailleurs, il y a des personnes qui ne décrochent jamais quand le numéro est masqué. On se retrouve vite dans une situation où on passe des appels qui ne sont pas pris et dont on ne sait pas si les gens ne sont pas disponibles, s’ils ne répondent pas aux numéros masqués ou s’ils ne souhaitent pas répondre. Sur un nombre conséquent de personnes à appeler, les problèmes se multiplient. Ainsi que les risques que votre numéro soit communiqué ou récupéré.
Que vous répondra-t-on en tel cas ? « Oui, c’est embêtant, mais si vous aviez fait vraiment attention ce ne serait pas arrivé ! On ne vous a pas obligé, n’est-ce pas ? »
Tout enseignant est donc en droit de poser les limites qu’il estime nécessaires pour son équilibre professionnel, personnel et sa santé, à ces demandes ou injonctions d’utiliser son téléphone personnel pour joindre des familles.
Aucun devoir moral ne peut être imposé par une administration qui ne fonctionne déjà que grâce au matériel de ses salariés, voire aux sacrifices qu’ils consentent.
Si le ministère ou le rectorat demande à ce que les enseignants appellent les parents, s’il juge le contact téléphonique plus efficace ou nécessaire, il doit commencer par remplir ses obligations d’employeur en fournissant le matériel ; ou au minimum, pour des personnels qui acceptent d’utiliser leur téléphone personnel des outils, des solutions techniques ou des instructions qui préservent leurs agents des risques attachés à l’injonction.
Maintenir un « lien » pendant les vacances ?
Extrait d’un message de la direction sur l’ENT d’un lycée :
« Dans cette période de vacances garder un lien social nous semble important, aussi nous vous encourageons, si vous le pouvez, à maintenir un lien avec vos élèves, sans qu’il s’agisse de travail scolaire, ne serait-ce qu’une fois par semaine. »
Vous pouvez être destinataire de ce genre d’« instruction ». En l’espèce, il n’y a pas de caractère obligatoire, juste une pression morale.
En tout cas la partie soulignée ne peut constituer une véritable consigne aux professionnels que nous sommes. On nous enjoint d’effectuer une tâche dont on précise qu’elle doit être sans rap-port avec notre cœur de métier. Cette direction espère s’en tirer à bon compte. Qu’attend-t-elle exactement des enseignants ? Que juge(ra)-t-elle professionnel ou non professionnel dans ce cadre inédit. La consigne est floue. En cas de maladresse d’un enseignant, de mauvaise perception par les familles de la démarche, la direction pourra toujours affirmer que ce n’est pas ce qu’elle demandait. En effet, elle ne demande rien de précis. Encore une fois, la hiérarchie fait reposer sur la responsabilité individuelle des seuls agents la détermination du travail qu’il y a à faire.