20 avril 2016

Le SNES académique - Les sections départementales

Le droit à la scolarité ?

CHALONS EN CHAMPAGNE, le 20 mars 2016.

Falik, âgé de 16 ans est né le 15 décembre 1999 et Abdulah, 15 ans, le 5 décembre 2000. Tous deux sont mineurs isolés étrangers (MIE) de nationalité pakistanaise. Ils se sont vus refuser la poursuite de leur scolarité au lycée Oehmichen de Châlons en Champagne, sur décision du DSDEN, pour le motif suivant : ils sont déclarés majeurs par l’Aide sociale à l’enfance (ASE), service qui dépend du département de la Marne. Certes, à partir de 16 ans l’école n’est plus obligatoire mais il me semble qu’il n’y a pas d’âge en France pour accéder au droit à l’éducation. Et même si Falik et Abdula avaient plus de 18 ans, ils ne seraient pas les premiers majeurs à fréquenter un lycée.

La contestation de leur minorité s’est faite sur la base de tests d’âges osseux dont le résultat est plus que mis en doute par la communauté médicale ainsi que le refus de reconnaître comme vraies les informations figurant sur les papiers en leur possession (extraits d’acte de naissance principalement). Le Réseau éducation sans frontières (RESF) s’évertue à travailler avec les jeunes et leurs ambassades pour leur fournir des documents authentiques et fiables. C’est ainsi que depuis le 8 janvier dernier, Abdula dispose d’une carte d’identité pakistanaise mentionnant sa date de naissance, carte qu’il a pu produire le jeudi 17 mars lors de l’audience chez le juge des enfants. Ce dernier, dans son délibéré en date du lundi 21 mars a d’ailleurs demandé sa réintégration à l’ASE ! Falik devrait obtenir la sienne d’ici quelques semaines.

L’ASE met actuellement tout en œuvre pour ne pas avoir à gérer trop de MIE. Ces derniers, ne pouvant pas faire la preuve de leur minorité devant le juge des enfants, sont déclarés majeurs et jetés à la rue. De jeunes Pakistanais que nous n’avons pas pu prendre en charge (nos modestes moyens sont saturés) sont partis sur Paris où, d’après un témoignage, ils travaillent illégalement dans des entrepôts afin de financer un hébergement que l’on imagine sordide. Et c’est sans doute et malheureusement ce qui peut leur arriver de mieux ! Il est avéré qu’en Europe, un grand nombre de MIE dont on a perdu la trace sont tombés sous la coupe de groupes mal intentionnés pratiquant le trafic d’êtres humains. Il faut également rappeler que les MIE n’ont pas accès à l’hébergement d’urgence puisque le 115 n’accepte que les majeurs. 1er vide administratif : ces jeunes n’existent pour personne.

La DSDEN entre alors dans le jeu de l’ASE, c’est-à-dire qu’elle contribue à isoler encore plus ces jeunes en les privant du droit à l’éducation. Cela se fait subtilement : le jeune a été indument inscrit, il a donc triché (sur son âge) pour accéder au lycée. Mais comme nous ne sommes pas des monstres à l’Education nationale, le CIO va lui offrir ses services afin de trouver un autre projet d’orientation. La proposition consistera à les envoyer à la Mission locale qui… refusera de leur ouvrir un dossier car ils n’ont pas de titre de séjour. C’est le second vide administratif, avec la complicité de l’Education nationale cette fois.
Depuis, d’autres MIE reconnus majeurs par l’ASE ont été testés par le CIO qui les envoie directement à la Mission locale, sans les inscrire dans un établissement scolaire !

Ces gamins n’ont donc aucune raison d’exister car rejetés par toutes les institutions censées leur apporter une aide. Est-ce que, en cette période d’état d’urgence, on se rend compte en haut lieu du danger que peuvent représenter des MIE livrés à eux-mêmes ou au premier individu mal intentionné qui saura leur parler et leur faire miroiter certaines promesses en échange d’actes mettant en cause leur sécurité et pourquoi pas la nôtre ? Nous n’osons imaginer que pour la DSDEN, il s’agit également de faire l’économie de l’ouverture d’une structure pour accueillir des MIE EANA...

Marie-Pierre BARRIERE et Renaud ROUFFIGNAC