12 novembre 2005

Actualités / Action

L’ENJEU EDUCATIF : QUELLE SOCIETE POUR DEMAIN ?

Tract au format PDF (verso)

Recto du tract : Grève Second Degré - Jeudi 24 novembre 2005

Comment rester sans voix face aux évènements récents ? L’embrasement de très nombreux quartiers ne
nous laisse pas indifférent. Les solutions apportées par le gouvernement, qui certes doit faire preuve de fermeté
pour rétablir la loi, ne répond pas aux problèmes soulevés par les jeunes des cités. Rétablir la loi est préférable à
rétablir l’ordre
, car cela suppose que la loi n’est pas appliquée dans ces zones de non droit. La loi, c’est y
compris le droit au travail, au logement décent, au respect, à la dignité, à l’égalité des chances...

Dans l’urgence, le gouvernement a décidé d’exhumer la loi de 1955, instaurant l’état d’urgence, loi
promulguée pendant les évènements d’Algérie (triste référence plus que maladroite). Un bien beau message, qui
préfigure des relations qu’il entend avoir avec toute opposition à sa politique (GIGN, CRS, Tribunaux contre les
manifestants et les grévistes, comme les lycéens en juin dernier).

Il décide en catastrophe de rétablir les crédits aux associations de quartiers qui travaillaient depuis de
nombreuses années à créer du lien social. Beaucoup d’entres elles ont licencié les travailleurs sociaux qu’elles
employaient, ou ont disparu, faute de financement. Est-ce vraiment avec candeur que le premier ministre imagine
qu’il sera facile de revenir en arrière ? Espérons que ceux qui se sont sentis trahis accepteront de se remettre au
travail.

L’autre mesure phare, c’est la possibilité d’entrer en apprentissage dès 14 ans. Ce que Fillon n’avait pas
osé faire, Villepin le fait en profitant d’une situation extrêmement, tendue satisfaisant ainsi une mesure populiste.
Au SNES, on ne nie pas les problèmes que peuvent poser certains élèves en rupture totale avec l’école. Oui, ces
élèves posent problème, oui, parfois on voudrait les voir ailleurs, parce qu’ils perturbent le fonctionnement de la
classe. Mais non, il ne faut pas les mettre dehors. Au SNES, nous sommes des profs, des CPE, des surveillants,
des COPsy... comme les autres et nous disons qu’il faut que l’école ait réellement les moyens de faire face à ces
crises de rupture scolaire. Ce n’est pas en sortant les élèves décrocheurs de l’école que l’on peut le mieux les aider.
Notre institution ne veut pas envisager des structures à tous petits effectifs avec, pourquoi pas, un
enseignement en alternance en entreprise sous forme de stage. Rappelons toutefois que lorsque les élèves veulent
entrer en apprentissage, la première difficulté est de signer un contrat de travail, la deuxième difficulté est de
garder ce contrat après avoir découvert la réalité (un nombre considérable de jeunes se trouvent très rapidement
hors formation pour cause de rupture de contrat) et que la condition de la réussite de l’apprentissage, qui est un
enseignement privé, réside dans le travail en très petits groupes, avec des moyens matériels très importants.

L’Education Nationale ne peut-elle pas offrir la même chose en son sein à ces élèves là ? Beaucoup
d’enseignants se portent volontaires pour enseigner dans des classes ou des groupes réputés difficiles, ce n’est donc
pas une question de refus des profs de prendre en charge ces élèves, c’est le refus de continuer à faire semblant en
les gardant dans les classes ordinaires, sans soutien particulier, sans possibilité de les sortir un moment pour
éventuellement les « resocialiser ». Le nombre de classes relais est insuffisant, la mission de ces classes devrait
peut-être s’élargir. Dans le même temps, l’Etat programme la disparition des SEGPA, l’enseignement adapté n’est
sans doute pas rentable économiquement.

Qui peut croire sérieusement que des élèves en très grandes difficultés sociales et scolaires réussiront à
décrocher des contrats de travail, là même où leurs grands frères et soeurs diplômés se voient refuser ce même
contrat de travail ? Sauf à dire que c’est une main d’oeuvre vraiment pas cher et docile que cherchent les
entreprises.

Sarkozy relance la double peine en demandant l’expulsion des étrangers, même en situation régulière,
condamnés par une justice expéditive (malgré la bonne volonté des juges, c’est la cas de la comparution
immédiate et du flagrant délit). A ce rythme-là, puisque c’est populaire, on va bientôt rétablir la peine de mort...
Le courage politique, c’est savoir aller parfois à contre-courant de l’opinion, lorsqu’il s’agit de mesures de progrès
social L’inverse est une lâcheté. Le gouvernement fait-il vraiment preuve d’improvisation ou montre-t-il plutôt le
visage d’un gouvernement réactionnaire ?

Il est temps que l’état nous écoute enfin sur des solutions possibles.

Christophe Girardin,
Secrétaire Académique ,
Professeur au collège ZEP Joliot Curie de Reims.